Fugaces pensées
Il manquait
Il manquait...
C'était une évidence.
Pourtant, de son vivant, personne n'aurait pu le prédire.
Il manquait, comme le soleil manquerait à la lune.
Il manquait, comme l'hiver manquerait à l'été.
Il manquait, comme la rosée du matin manquerait à l'herbe glacée.
Puis, il me manquait.
Si simple et si profondément.
Il me manquait.
Il me manque.
De tout son être, il dénonçait l'injustice. C'aurait été presque ridicule s'il n'y avait mis son cœur.
C'était un homme qui n'avait aucun pouvoir face au monde.
Mais il faisait semblant de ne pas le voir. Et il se battait, encore et encore.
Tout sa vie il a combattu.
Et même la mort ne lui faisait pas peur.
Si personne ne le remarquait, entre eux la lutte devenait acharnée.
Mon enfance, comme bien d'autres, fut terrible.
Ce n'était pas une enfance, c'était un poids à porter, un fardeau. C'était une torture.
Puis il est arrivé. En même temps que la légèreté. Tout semblait si éphémère avec lui.
Tout, sauf la réalité de ce qui entourait nos vies. Tout, sauf la solide amitié qui s'est installée entre nous. Plus dure que le roc, plus dure que l'acier, qu'elle était.
Et pourtant...
Pourtant, cela n'a pas suffi.
Cela n'a pas suffi à ce que, 36 ans après notre rencontre, entre deux batailles, la mort soit revenue.
Et repartie. L'emmenant avec lui.
J'étais avec lui, ce jour là. J'étais toujours avec lui lorsque qu'on l'a transporté à l'hôpital.
J'étais à son côté avant qu'il ne me quitte. Avant qu'il ne parte. Avant qu'il ne meurt.
Et juste avant son départ, il m'a demandé quelque chose que je n'ai jamais oublié.
Il m'a demandé qu'on n'oublie pas son combat. Il m'a demandé, quittant son corps, de le continuer.
Son combat, comme il l'appelait. Mais ce combat est celui de tout le monde.
Seulement, les gens l'ont oublié.
Mais moi, je me bats toujours, aujourd'hui. Chaque instant de ma vie, je me bats. En son souvenir...
Et il me manque.